Il nous a été offert plusieurs clefs de compréhension permettant de mieux situer le mixed use et sa pertinence quant à la période que nous vivons. Face aux bouleversements de notre société, que ce soit la crise sanitaire qui a délité nos liens et favorisé l’entre-soi, ou encore les crises économique et écologique : il est peut-être grand temps de redéfinir nos valeurs, comme le suggère Virginie Parisot en introduction de cette table ronde. Notamment en prônant d’autant plus le commun et le partage, qui sont à replacer au centre de nos pratiques, lorsque l’on imagine nos espaces de vie. Nous avons pu échanger sur la pratique du mixed use, en compagnie d’un panel de personnalités engagées, en adoptant différents prismes (social, urbanistique, financier, design). Les expertises croisées de ces intervenants : Olivier Saguez, Virginie Parisot, Lorraine Dieulot, Stéphane Hugon, Armel Ract-Madoux, et Franck Boutté, ont mis en lumière quelques idées phares lorsque l’on parle de mixed use.
Il semble faire consensus que le mixed use se révèle être un véritable vecteur social, qui pourrait permettre de préserver nos villes et d’aller dans le sens de la décarbonation. En mutualisant les usages pour créer des expériences collectives, là est peut-être la clef essentielle pour redonner du sens à nos lieux de vie, voire permettre de donner vie à des quartiers encore aux fonctions trop spécifiques. Plusieurs interrogations ont également été soulevées concernant : les leviers sur les coûts de construction, la recherche de plus de coopération territoriale, ou encore une question ouverte sur la possibilité de faire émerger un code de l’altruisme, lorsqu’on conçoit nos espaces. Encore, nous reste-t-il à déterminer à quelle échelle nous voulons de la mixité et réversibilité dans nos lieux ? Nous avons pu clore cette table ronde en alignant les perspectives d’intervenants et participants sur la remarque suivante, sûrement le motto de beaucoup d’entre nous chez ULI : le territoire est certes un espace qui accueille la vie, mais aussi une mémoire collective que l’on ne peut négliger.
Retour sur les intervenants :
- Olivier Saguez, Saguez & Partners, designer-entrepreneur-bâtisseur ;
”La crise écologique nous impose de défendre l’utilité de la chose et de nos choix.”
- Virginie Parisot, Saguez & Partners, stratège-globe-trotteuse ;
“On est dans une situation qu’on avait jamais vécu, où des milliards d’individus ont été confinés. On parle de crise du commun, c’est l’occasion maintenant de redefinir ce qui est de l’ordre de l’individu et ce qui est de l’ordre du collectif. Et avec la mixité on parle bien du collectif (…). Ce qui est important c’est le lien, c’est les gens, c’est les interactions, c’est ce qu’on créé, c’est les expériences, et on dit souvent effectivement que la valeur se créée dans le vide. Donc c’est important d’avoir du vide pour que des expériences se créent au-dedans.
Un point important sur la mixité, c’est la notion du village, c’est à dire qu’on n’est plus uniquement sur de l’actif , on regarde les choses en terme de quartiers ; ce qui se passe avant, avec et autour, est important. Donc on a une façon de regarder les choses un peu plus macro”.
- Lorraine Dieulot, Saguez & Partners, conseil éclairé ;
“Oui il y a urgence et à plusieurs niveaux, à differentes échelles, l’une des premières c’est l’acteur immobilier, il y a cette urgence de mixité puisque cela permet de créer de la souplesse. (…) On a aussi la ville qui est demandeuse de cette mixité, qui lui permet de redéfinir ses contours et de gagner aussi en attractivité et de ne pas se scléroser dans un schéma établi sur une échelle de temps qui est très différente. Et enfin on a aussi une échelle environnementale et notamment le besoin de synergie bio-climatique entre les activités. On a aussi besoin de prévoir des programmes qui vont évoluer dans le temps, et qui vont permettre de réutiliser des lieux et non pas de tout détruire, pour tout reconstruire après.”
- Stéphane Hugon, Eranos, sociologue averti ;
“On est dans une société du partage, mais de quel partage parlons-nous? Quelle est l’échelle de partage, du collectif et du lien social, et de manière tres pragmatique, en tant qu’opérateur, vous pouvez vous demander, quelle est la promesse relationnelle de ce lieu ? Que voulons-nous qu’il se passe dans ce lieu ? Quel type de relation sociale ? Quels outils utiliser pour trouver cette granularité entre le soi et l’universel ? En Occident, on est un peu dépossédés de ces mots (…) à Séoul, tout le vocabulaire de la convivalité, de l’hospitalité et du quant à soi, est beaucoup plus détaillé et permet très justement de donner des formes, c’est-à-dire des espaces qui permettent de trouver l’harmonie.”
- Armel Ract-Madoux, Deloitte, financier agile ;
“On voit bien que les objets dont on parle maintenant sont plus petits, plus hybridés et fonctionnent sur des synergies liées à des questions énergétiques et environnementales mais aussi économiques. C’est assez intéressant de voir que tout cela, petit à petit se met en place sur l’échiquier.”
- Franck Boutté, fondateur et président de Franck Boutté Consultants, et Grand Prix de l’Urbanisme 2022.
”Il existe deux grands principes directeurs : la densité et la mixité des usages, à l’échelle de la ville mais aussi évidemment à l’échelle de nos objets mixed use, qui d’une certaine manière par effet de compactage, deviennent des briques élémentaires de ce village, de ce hameau, de ces nouveaux objets. Cela participe aussi évidemment à refabriquer à l’échelle de l’objet immobilier de son quartier, la ville du quart d’heure (…)”